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10 avril 2009

Lulle - La confession fragile

Ce matin-là, de lourdes tentacules prises de vent bruissaient dans un air empesté ! Le roc de mon esprit se heurtait à la caducité des trop mornes saisons. Tu surgissais, bancal, arbre impavide mais bien trop recueilli, faisant craquer les moindres recoins de tes peaux ennemies.

A qui parlais-tu, douce aurore empesée, lorsque tes bras fendus claironnaient dans l’air tiède ? Il me semble avoir perçu et sanglots et murmures. L’eau, peut-être, était trop verte pour toi, qui préfères les lambeaux de chair claire et les bruits d’animaux. Mais qu’importe tes goûts, toi qui es si fidèle !

Jonquilles et pervenches avaient cessé, à l’heure où je t’écris, d’entrechoquer leurs âmes contrariées. Il faisait un temps d’indigo et de parme, de mystérieuses larmes surgissant à tour de bras. Tu n’aimais pas les pleurs, me confiais-tu dans un souffle sombre, car elles te rappelaient les hautes tours endormies d’un trop lointain pays. C’est pourquoi, un à un, tu manquais les pétales, en pensant à la mort.

Prométhée n’est qu’un sot, arguerais-tu plus tard, après les crânes en miettes et les vides échancrés. A l’époque, tu discourais comme une grenouille, la peau froide et luisante, l’œil à tous les aguets. Comment ne t’ai-je jamais reconnu , sous ce masque terrible et larmoyant ? Des effluves marins s’ échappant de tes lèvres auraient dû, pourtant, me dégourdir le cœur.

Un lacis de pensées écarlates faisait danser, lundi, le couvre-chef havane d’un vagabond des villes. A l’apercevoir, les rires s’élargissaient, rugissantes épopées au fond des noires gorges. Et les gens s’attroupaient, en grappes médiocres, sur les devants de la scène. Est-ce alors que retentit le souffle ? Calme et médusé, il s’abattit comme un chocolat noir qui défendrait l’aurore. Je ne me souviens plus de ce que je te confiai ce soir-là, mais revois les vaguelettes de mes désirs et mes soifs exorbitées aux 4 coins du temps. Tu m’apparaissais infime en même temps que loyal, superbe mais aussi déclinant. En fait, tu étais à l’image de nos mouvances obscures, cruelles chansons des cœurs de mon abîme, vastes dégringolades en des terres échaudées. Jamais pourtant nous ne nous rejoignîmes, et je garde à l’œil le féroce mouvement d’un balancier moderne.

L’angoisse ouvrit les portes du jardin et y traça de grands feux de lacs sombres. Où avais-je les yeux ? Tordus à l’intérieur de moi, ils se figeaient en oiseaux nuageux. Bientôt, une marée de plumes rouges envahit le lac, mordillant tout en une sauvage contagion. C’est à cet instant que je perdis confiance, car les murs autrefois de granit étaient devenus poreux et gris. D’ailleurs, ils s’effritèrent bientôt, comme autant de fugitifs pétales ou de cormorans gelés. Personne n’avait plus pied.


Lulle, 2005
(publié dans Envers n°2)

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