Philippe Jones - La falaise et l'oiseau
Le soir tend une branche déserte
hostile au dehors la pluie tombe droite, l'horizon tire ses volets ; à l'ombre de soi-même, plus d'un chasseur nous guette et piège tout amour
Sans syllabe d'oiseau
l'hiver caille le sang
aucun sommeil ne peut effacer un silence, attendre c'est nager au fond des puits, se mouvoir fait battre les veines et des bourgeons se gonflent
Un oiseau appareille
où le destin s'agite
le temps, s'il est seul maître à bord, suit des tracés divers ; de la tension de l'arc aux détours des nuages, la main est vive ou le regard distrait
On ne distingue bien
que ce qui nous ressemble
un angle fuit, là des mots se répondent, selon l'instant, selon l'humeur, l'attente et son écho, tu t'en vas au lointain si tes jambes ne s'ouvrent
Un oiseau vrille l'air
il habite le coeur
si ta lèvre est de pierre, s'il trouve ton épaule, il écarte, il appuie au courant des années, sa présence est mémoire, il traverse le ciel
Seul un témoin vivant
permet que l'on avance
un mot s'ajoute et un regard, et l'un à l'autre, dans le croassement des jours, petite fille, le soleil vient choisir l'école de ta joie
Un arbre rit de tout son feuillage
Philippe Jones, extrait de La falaise et l'oiseau
in Être selon, 1971-1972